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En se relevant, ils s’aperçoivent que là aussi, la mer continue de monter. Soudain, Grégory découvre dans l’eau , comme des petits yeux globuleux, rouges qui se déforment avec les mouvements de la mer. Il fait un signe de la main à ses amis. Les quatre compagnons sont angoissés par ces petits yeux rouges. Manon commence à paniquer, elle crie :

"Qu'est-ce ce que c'est ?"

 

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Benoît essaie de la rassurer. Quand une vague claque sur la paroi de la grotte, les enfants croient que cette créature vivante bouge pour les attaquer et ils ont le même réflexe de se reculer. Grégory repense au récit de Victor Hugo tiré du roman "Les travailleurs de la mer" que leur animateur leur a raconté la veille.
C'était l'histoire d'un pêcheur à pied appelé Gilliatt. Un jour, alors qu’il poursuivait un crabe, arrivé devant un trou où il pensait que l’animal s'était réfugié, Gilliatt mit sa main. Soudain, il se sentit aspiré par des centaines de petites bouches. Il essaya de se débattre mais il resta comme cloué. Des lanières l'attiraient dans le trou. Il découvrit avec horreur que c’était une énorme pieuvre aux yeux brillants !

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Grégory comprend que les trois autres pensent exactement à la même chose quand il constate que leur corps tremble, comme le sien, de la tête aux pieds.
Après quelques longues minutes, les quatre enfants se décident à avancer pas après pas, très lentement et en silence, de peur d'énerver ces deux yeux qui ne remuent pas. Les amis décident de faire deux pas de plus ; rien ne se passe. Ils tentent alors encore deux pas et distinguent maintenant une silhouette dans l'eau sombre de la grotte.
Très lentement la forme sort de l'eau...

Ce qu'ils voient devient de plus en plus inquiétant : deux grosses boules de poils, dont une plus petite avec deux cornes poilues qui se dressent dessus.
Quand la "bête" se dresse, les quatre enfants se demandent qui est en face d'eux, à qui appartiennent ces deux jambes maigrichonnes et ces deux bras très fins.

Les enfants progressent encore vers cet animal plus petit qu'une souris. Manon a très peur que l'animal lui saute dessus mais, comme les autres, elle se penche pour mieux l'observer.
Ce monstre minuscule est sale, recouvert de vase et de déchets ; tout son corps est poilu et sa peau est de couleur noisette. Ses cornes sont beiges, ses bras sont noirs et ses jambes ressemblent aux pattes d'une chèvre. Ses yeux rouges luisent dans le peu de lumière, sa bouche est fine, son nez petit et pointu a la forme d'un triangle.
Les enfants remarquent que l'animal se tient la patte mais ils ne savent pas quoi faire.
Mais comme la créature semble souffrir atrocement, Cindy se décide et la prend doucement pendant que les autres la regardent, hésitants... Ils craignent l'animal parce que sa drôle de forme leur est inconnue mais il paraît plutôt inoffensif.

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Cindy commence même à le caresser et remarque le sang sur sa patte. Manon pense tout à coup qu’elle a la trousse à pharmacie du groupe dans son petit sac. Elle la sort et désinfecte la plaie de l'animal avec un très petit morceau de coton.
Très lentement, la créature se transforme en un petit lutin que l'on entend produire des petits bruits, puis dire encore faiblement :
"Herhamb bredér ag er mor don. Lezamber jibl er goumon."
Grégory pense tout haut : "On dirait du breton !"
 

Il n'a pas grands cheveux sur la tête. Ce petit être a la tête ronde, un nez rouge écrasé, des oreilles en pointes. Il a une bouche peu ridée, une belle barbe, il n'est pas gros et vraiment de toute petite taille. Le lutin a des grands ongles crochus. Il a des vêtements larges et de jolis sabots en bois.

"- Qu'est-ce que c'est que ce truc? dit Benoît.
- Je suis le chef des Teuz." répond l'animal, d'une voix tremblante, mais en Français !"
Cindy sursaute en l'entendant et le laisse tomber par terre. Elle le ramasse, l'allonge sur son genou et lui demande :
"- Est-ce que ça va ?
- Oui, ça va ! répond le lutin un peu dans les étoiles.

 

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- Au fait, qu'est-ce que c'est un Teuz ? demande Grégory.
- Un Teuz c'est un korrigan qui habite dans un village à la campagne.
- Et c'est quoi ... un korrigan ? demande Manon.
- Un korrigan est un petit homme. Six peuples de korrigans vivent en Bretagne.   Quelquefois nous pouvons nous transformer en animal. Avant, nos relations étaient bonnes avec les humains. Nous faisions leur ménage quand ils étaient absents, et nous gardions leurs enfants. Mais un jour, un méchant homme est venu nous menacer et nous a dit de ne plus jamais revenir sur terre. A partir de ce jour, nous nous servons de nos pouvoirs pour nous défendre.
"

Manon demande : "Vous viviez bien dans votre village ?
- Nous vivions bien avant que les Tud Gommon nous attaquent.
- Qu'est-ce qu'un Tud Gommon?
- Les Tud Gommon forment un autre peuple de korrigans qui vit sur l’estran, l’endroit découvert à marée basse. C’est un peuple entre terre et mer. Ils détruisent nos maisons , nous obligent à travailler pour eux et même quelquefois, ils nous tuent.
- Mais pourquoi font-ils ça ? demande Grégory.
-Ils font ça parce qu'ils veulent nous dominer."

Après un long silence, Grégory remarque :
" Ah, c'est comme au 17e et au 18 e siècles. Les noirs étaient capturés dans leur village en Afrique, embarqués par les armateurs des bateaux aux Antilles, où ils devenaient esclaves.
- Oh le fort en Histoire ! dit Manon en riant.
- C’est vrai que vos peuples ont aussi fait de vilaines choses, ajoute le Korrigan."

La mer monte, entre dans la grotte sombre et claque contre les rochers. Les enfants aimeraient pouvoir sortir car ils ont froid et faim.

" - Je vais vous raconter une histoire drôle, vous voulez bien ? propose Manon.
- Oh, non, pas toi !! supplient ses amis.
- Puis-je vous poser une question ? demande le korrigan.
- Heu...oui, bien sûr, soupirent les enfants.
- J'aurais besoin d'aide.
- D'aide, mais pourquoi faire ?
- Pour retrouver mon village et...
- Et quoi ?
- Et y faire la paix. Alors voulez-vous m'aider ?
- Heu...on va y réfléchir...
- D'accord."

La mer continue de monter, et avec une telle force que, devant les yeux des enfants, un rocher se brise. Pris par la panique, ils retournent voir le korrigan au fond de la grotte.

"- Bon, heu... c'est oui !
- Oui, heu... pourquoi oui ?
- Ben... le "oui" de ta question.
- Ah... oui, la question. Je savais que vous alliez dire oui. Bon, je vais faire baisser la marée.
- Quoi ? Faire baisser la marée ? Mais il est fou ! murmure Benoît. Et... comment vas-tu faire ?
- Ben, je vais juste prononcer une formule magique, pourquoi ?
- Une formule magique ? Ah, ah, ah, ah !
- Mais pourquoi rigolez-vous ?
- Ah, ah, ah, ben... il faut être fou pour croire pouvoir faire baisser la marée !
- Mais non ! Ecoutez et regardez : " Hasit ac'hanon e beo. War drêzenn ar re varo !"

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Les enfants continuent de ricaner.

"- Regardez la mer ! crie Manon, elle baisse!
- Alors vous me croyez maintenant ?
- Euh...oui "

C'est le silence complet. La mer commence à baisser, centimètre par centimètre. A présent, la grotte est vide, complètement vide, il ne reste que les rochers enlevés à la falaise.

 

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